La restitution des œuvres d’art africaines a été activement abordée durant la décennie précédente. À tel point que cette question a été l’objet de vifs débats. Il y a eu des frictions diplomatiques entre la France et certains pays africains. Des blessures et des doutes liés à la colonisation et l’acquisition de ces œuvres d’art ont refaits surface.
Ainsi la décennie 2010 s’est clôturée par une volonté affirmée des peuples et de certains gouvernements africains de voir leur patrimoine revenir. D’autre part, les anciennes puissances coloniales se sont engagées à accompagner ces restitutions.
Pouvons-nous véritablement espérer voir certains biens du patrimoine africain regagner leur continent, au cours de la décennie 2020 ?
L’accueil des œuvres d’art africaines
La problématique de l’accueil est souvent mise en avant pour ne pas procéder à la restitution des œuvres d’art. En effet, nombreux sont les pays africains, qui malheureusement ne disposent pas de musées ou de centres pouvant convenablement les recevoir. En plus des infrastructures, il y a aussi la question de la formation et de la disponibilité de personnel compétent. Certaines pièces nécessitent des soins fréquents et particuliers, faisant appel à des savoir-faire précis. Et autre soucis et non des moindres, le financement. Oui, tout cela a un coût. Sauf qu’actuellement extrêmement peu de budgets des ministères de la culture et, ou du patrimoine en Afrique peuvent supporter les investissements et dépenses nécessaires. Encore aujourd’hui, la majorité des Africains jongle au jour le jour pour répondre à ses besoins primaires. C’est donc difficile d’envisager lever des impôts supplémentaires ou instaurer des tickets d’entrée, pouvant renflouer les caisses.
Ces explications ont été accueillies avec scepticisme. Elles ont eu l’avantage de motiver la création de musées et centres culturels sur le continent. Les manifestations culturelles et artistiques sont passées à une autre dimension. Des programmes d’échange et de coopération entre professionnels et au niveau universitaire se sont développés entre Nord et Sud.
Et c’est bien pour cela que nous sommes à un tournant ! Nombreux sont les étudiants africains formés. Il y a plus de structures et infrastructures prêtes à recevoir les œuvres d’art. Le public local en demande plus. L’art africain a vraiment le vent en poupe. Les talents fleurissent aux quatre coins de l’Afrique. Et, pourtant la restitution des œuvres d’art n’est toujours pas enclenchée. Oui, il y a des discussions, des retours de telle ou telle pièce. Mais il n’y a pas de mouvement majeur structuré, organisé et surtout un calendrier officiel.
Restitution des œuvres d’art, pas de retour
Même si aucun programme de restitution des œuvres d’arts n’a été décidé ou annoncé au niveau européen ou même français, un retour au statu quo n’est plus possible.
Les populations africaines et les diasporas sont informées et suivent ce dossier de très près. Elles font même pression sur les gouvernements, de part et d’autres.
La publication du rapport Sarr-Savoy, commandé par Emmanuel Macron, Président français, indique la restitution définitive de plusieurs œuvres.
Partout en Afrique les états s’organisent. Le Bénin se montre très actif. Une commission a été chargée de dresser l’inventaire des œuvres d’art présentes dans les musées français. Le Burkina Faso, le Mali et le Gabon ont aussi mis en place des commissions de travail. Et la Côte d’Ivoire a aussi établi une liste de 148 œuvres d’art qu’elle souhaite récupérer.
Autant dire que les Africains n’attendent ni discussions ni décisions diplomatiques. Ils s’organisent.
Tout cela est intensifié par le retour effectif de certaines pièces. En novembre 2019, le Premier Ministre français Edouard Philippe s’est rendu à Dakar, Sénégal, pour restituer le sabre de Omar Saïdou Tall. Il a joué un rôle de premier plan dans l’Histoire pré-coloniale du Sénégal. Il est à l’origine de la fondation de l’Empire Toucouleur et a combattu les troupes françaises de 1857 à 1859.
On n’oublie pas non plus la restitution de 26 œuvres d’art au Bénin, ordonné par Emmanuel Macron.
Là où ça coince
Le train semble lancé. Il convient alors de se demander pourquoi un calendrier officiel n’a toujours pas été publié, au moins pour les œuvres déjà répertoriées et demandées.
C’est là que le bât blesse. À la publication du rapport Sarr-Savoy, on a entendu de virulentes critiques. Des personnes s’offusquant aussi de » l’ingratitude des pays africains « . Ceux-ci seraient bien contents de récupérer des œuvres qui ont été sauvées et protégées par les Européens. Et, en France, notamment certaines lois ne permettent tout simplement pas la restitution des œuvres d’art aux États africains. En effet, la restitution se heurte en droit français au principe d’inaliénabilité des biens constituant les collections des musées publics consacré aux articles L451-5 du code du patrimoine et L3111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), d’insaisissabilité (article L2311-1 du CGPPP) et d’imprescriptibilité (article L3111-1 du CGPPP) (source : https://www.august-debouzy.com/fr/blog/1266-restitution-doeuvres-dart-a-lafrique-un-casse-tete-juridique).
Enfin, la restitution des œuvres d’art aux pays africains pourraient motiver voire relancer la demande, aussi, entre États Européens. Le Royaume-Uni détient des œuvres d’art grecques, réclamées depuis longtemps par la Grèce.
Quoi qu’il en soit la machine est enclenchée et elle ne semble ni prête de s’arrêter ni de ralentir.